L’exposition de Younes Kouider a les allures d’un safari. Ses tableaux, exclusivement réalisés à la gouache, nous renvoient à la savane où l’on rencontre girafes, panthères, éléphants et toutes sortes d’animaux sauvages.
Entretien réalisé par : Hakim Metref
Mais l’Afrique est également présente à travers un patchwork de couleurs que l’artiste ajuste en arrière- plan pour mettre en valeur les silhouettes de ces animaux. L’exposition renvoie également à une Afrique nomade qui a recours à des matériaux légers et faciles à travailler. La vie itinérante de certaines tribus africaines s’accommode d’un tel mode de vie.
Kouider est artiste peintre établi à Alger. Après une année d’etudes en architecture à Blida, il rejoint, en 2010, la Maharishi international university dans Iowa, aux Etats-Unis, pour obtenir un Bachelor Fine Art (Licence en arts plastiques) en 2014, puis un master en 2018. A vrai dire, la passion du dessin chez Younes Kouider n’a pas attendu l’université, puisque dès son enfance il était passionné par les animaux qu’il aimait reproduire . Les études lui ont permis surtout d’affiner son trait et améliorer sa technique. Après une exposition collective au Bastion 23, à Alger, et des expositions à l’université de l’Iowa, ce jeune peintre de 29 ans expose, pour la première fois, seul , à la villa Abdeltif, sur invitation de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), dans le cadre de la célébration de Yennayer 2971.
Votre exposition nous renvoie la savane africaine. D’où vous vient cette fascination pour les animaux ?
Dès l’âge de 3 ou 4 ans j’ai commencé à dessiner des animaux. En rentrant en Algérie en 2019 après mes études aux Etats-Unis, j’ai voulu travailler sur une série de tableaux. Naturellement, ces animaux sauvages se sont imposés comme un retour vers l’enfance.
Vous ne faites pas dans la représentation directe, vous laissez deviner vos sujets à travers des silhouettes...
Durant les études, on nous a appris à faire ce qu’on appel le «negative space (espace négatif), qui consiste à dessiner uniquement le contour. Je trouve que c’est plus intrigant car celui qui regarde est invité à deviner les formes et les animaux. Ce n’est pas du réalisme mais plutôt du figuratif abstrait.
Des formes géométriques et des couleurs reviennent pratiquement dans toutes vos toiles et rappellent un peu les motifs décoratifs berbères...
Pour les couleurs, je choisis exclusivement la gouache qui permet d’avoir des couleurs très vives qui rappellent un peu le côté africain de mes œuvres. Je m’inspire énormément de l’art africain et je fais ressortir ses couleurs pour célébrer mon africanité. Pour ce qui est des formes, j’ai commencé avec des formes géométriques et progressivement ça a évolué vers les symboles berbères. Si les animaux existent un peu partout dans le monde, ces formes qui les accompagnent traduisent mon regard de Nord-Africain, Algérien et Amazigh.
Il y a une seconde partie de l’exposition qui rompt avec cette faune et s’ancre davantage dans l’œuvre humaine. Vous avez même recours au tissage pour réaliser vos sculptures...
A la fin de mon master, en 2018, j’ai travaillé sur la thèse du nomadisme en Afrique du Nord et j’ai commencé à m’intéresser au tissage. C’est une façon d’imprégner les objets de cette identité nord-africaine. Je me suis intéressé également à la sédentarisation des nomades et ce passage du nomadisme à la citadinité et au contact avec la modernité. C’est pour cela que j’ai recours à ce mélange de tissage et de matériaux qu’on retrouve au quotidien comme le pneu, ou le walkman. J’ai aussi voulu exprimer l’intérêt du nomade à la matière sachant, à travers mes voyages dans le Sud, qu’il récupère et recycle pratiquement tout ce qu’il rencontre dans ses voyages.
On voit également une sorte de grande couverture que vous avez également tissée. Que représente-t-elle ?
C’est un projet qui n’est qu’au quart de sa réalisation. Il consiste à fabriquer une tente nomade. Je souhaite en faire un lieu où des musiciens viendraient jouer leur musique. Un lieu convivial réalisé un peu à ma façon. Je pense pouvoir le terminer d’ici le printemps.
H. M.