Les essais nucléaires de la France coloniale en Algérie, notamment à Reggane, il y a 61 ans, ont eu un impact sur la santé des habitants et l’environnement. Lors d’une conférence, mardi , à Alger, l'avocate Fatma-Zohra Benbraham a fait état d’une avancée sur ce dossier. Elle a notamment évoqué une coordination avec les victimes polynésiennes. «Le programme nucléaire français, qui s’est étendu de 1960 à 1996, a touché l’Algérie et la Polynésie, déclarée zone contaminée en 2014 par François Hollande.
Nous travaillons en étroite collaboration avec les victimes. Le président de la Polynésie m’a contacté pour le procès où un avocat français et deux confrères polynésiens se sont constitués», a-t-elle affirmé. «Nous sommes au début d’un processus de longue haleine car le parquet doit retenir les éléments constitutifs de crime contre l’humanité», a-t-elle ajouté. Elle s’est attardée ensuite sur les conséquences sanitaires en Tunisie et sur le plateau d’Albion en France où les militaires étaient chargés de surveiller des ogives atomiques. «Les symptômes sont la chute des dents et des cheveux, la fracture des membres», a-t-elle précisé. «Les déchets radioactifs dont certains sont enfouis sous terre et d'autres laissés à l'air libre et les radiations qui se répandent sur de vastes surfaces causent encore à ce jour des dégâts sur l'environnement», a expliqué l’avocate. Le président de l'association Machaâl Echahid, Mohamed Abad, a parlé de crimes et non d’essais. «La France doit reconnaître ses crimes», a-t-il déclaré, avant de mettre en avant l’importance du travail de mémoire pour les générations montantes. L’association qui a créé, l’an dernier, une instance nationale de défense des victimes des essais nucléaires, a réitéré sa revendication. Elle réclame aussi des indemnisations et la décontamination des sites des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien. Me Benbraham, parlant des archives, a estimé que le dossier a beaucoup avancé, surtout depuis l’organisation, le 20 juin 2014, d’une conférence au Sénat français. «Premièrement, il y a eu une reconnaissance politique. Les archives auraient dû être mis à la disposition des chercheurs, politiciens, juristes et même des victimes l’année dernière», a-t-elle rappelé. Mais cela ne s’est pas produit, à cause, a-t-elle expliqué, de la pression que «nous avons subie en 2008 après la publication du rapport tome 1 des essais nucléaires en Algérie. Le rapport nous a apporté beaucoup d’éléments qui ont contrecarré toutes les déclarations préalables», a-t-elle soutenu. Selon elle, l’ancien président Sarkozy avait tout bloqué. «D’un côté, une loi lève le secret défense en 2020, mais une loi du temps de Sarkozy, toujours en vigueur, freine l’ouverture effective de ces archives», a-t-elle déploré. Interrogée sur le rapport Stora, Me Benbraham est catégorique : «Je ne peux pas me permettre de parler du rapport car Stora a répondu à une demande de son Président.
C’est un problème franco-français qui ne me concerne pas». A propos de l’instance nationale de défense des victimes des essais nucléaires qu’elle préside, elle a reconnu que ses activités sont entravées par la pandémie. «Je suis toutefois constamment en contact avec la population de Reggane. Nous avons d’ailleurs un canevas bien défini et reconnu sur le plan international», a-t-elle assuré.
Samira Sidhoum